Contraintes : Une institutrice, dans une brocante, à 11h
(je me suis bien amusée à faire ce p'tit texte :p)
Elle cherchait de l’amour en conserve pour sa recette du bonheur. Elle aurait préféré de l’amour frais, avec lequel il faut parfois se battre pour se l’approprier, mais elle n’en avait pas les moyens.
Pas qu’elle n’avait pas assez d’argent, ça, non ! Institutrice, ça ne payait pas trop mal, et puis, elle n’était pas du genre dépensière. Non, c’est juste qu’elle n’était pas assez jolie. Les jambes un peu trop grosses, le ventre un peu trop rond, les yeux un peu trop myopes. Elle se désespérait tous les matins devant son miroir, ce qui la rendait triste pour la journée.
Ah ! Si elle l’avait enlevé, ce fichu miroir ! Il ne lui servait pas à grand-chose, mais elle y tenait quand même. Toute petite, elle admirait sa mère à travers son reflet. Que sa mère était parfaite, et qu’elle aurait aimé lui ressembler !
C’était à cause de cette déception qu’elle s’était retrouvée à cette brocante du rêve, à cette brocante où on pouvait acheter un peu de tout à petit prix. Bien sûr, les marchandises n’étaient plus très neuves, parfois elles étaient même franchement usées, et comparé au marché d’à côté, avec ses produits cent pour cent bio, tout neuf et tout frais, la brocante, c’était bien peu de chose.
La brocante, c’était pour les gens comme elle.
-Alors, qu’est-ce que vous voulez ?
-Je voudrais quelqu’un de gentil, ça, oui !
-C’est ce qu’elles demandent toutes… Et à part ça ?
-Quelqu’un qui n’attache pas trop d’importance au physique.
-Ca restreint déjà le choix. Vous savez, les hommes, ils aiment les belles femmes ! Mais bon, ils s’y accommoderont. Eux non plus ne sont pas des canons de beauté, sinon ils seraient sur le marché ! Rien d’autre ?
-Si ! Qui aime la littérature.
-Magazine auto, ça vous convient ?
-Vous n’avez rien d’autre… ?
-Vous êtes exigeante, ma p’tite dame !
-Excusez-moi, oubliez ce que je viens de dire.
La brocanteuse fourragea dans ses petits papiers, y cherchant le candidat idéal.
-J’ai ce qu’il vous faut !
La femme lui tendit un bocal avec, à l’intérieur, un petit papier.
-C’est la recette pour le trouver. Rien de bien compliqué. Il ne vous faut que deux jambes et un peu de courage, avec une pincée d’espérance, et le tour est joué !
-Merci.
Elle regarda le marché, à côté. Une foule de jeunes filles toutes plus séduisantes les unes que les autres s’y pressaient. Les hommes posaient sur des estrades, choisissaient la fille la plus intéressante. Pas de brocanteur, là-bas, ni même d’entremetteur : les hommes étaient les marchands, ils se vendaient eux-mêmes à la plus offrante.
Elle détourna le regard. Ca lui faisait mal de voir ça. Elle retourna chez elle à petit pas pressés. Elle s’occuperait de son bocal demain. Toute cette course l’avait fatiguée, elle alla se coucher.
DRIIIING !
Elle ouvrit les yeux. Le téléphone sonnait. Qui pouvait donc la réveiller à cette heure-ci ? D’ailleurs, quelle heure était-il ? Midi ?! Déjà ?!
-Allô ?
-Allô, c’est Justine !
-Salut Justine.
-Alors ?
-Alors quoi ?
-Tu as trouvé ?
-Trouvé quoi ?
-Mon dieu, tu le fais exprès ou quoi ? Tu as trouvé celui qu’il te faut ?
-Je ne te comprends absolument pas, Justine… Tu peux m’expliquer ?
-Tu avais rendez-vous à l’agence matrimoniale à 11h !
Elle laissa tomber le combiné. Elle avait oublié.
Zut !