Texte écrit pour textuellement-parlant.sky'

Thème : alphabet/écriture

Un mouvement du poignet. Une boucle. Un point.
Point final ?
Elle réfléchit. Ses personnages ont-ils finit leur aventure ? Comme ça, sans rien de plus ?
"La fin est un peu abrupte", se dit-elle.
Elle barre. Réécrit les deux dernières phrases.
"C'est mieux".
Elle jette un regard par la fenêtre. La ville est illuminée.
Brusque nostalgie.
Elle fouille dans des cartons à la recherche de ses vieux cahiers d'école. Elle redécouvre son écriture tremblotante des débuts, elle voit ses hésitations. Telle boucle a comme une cassure, telle autre n'est pas tout à fait finie.
Elle voit son écriture évoluer. Les lettres s'arrondissent, par-ci par-là quelques dessins ornent les marges. Un nom dans un coeur, une étoile.
Elle se revoit sur les bancs d'école, un regard par la fenêtre, un crayon entre les lèvres. Un coup de coude de sa voisine lui fait regagner la Terre.Comment s'appelait-t-elle, déjà ? Nathalie ? Ophélie ? Non, c'est Noémie. Avec de longs cheveux noirs toujours attachés en couettes et de petites lunettes rondes. Noémie. Elle l'avait presque oubliée.
Elle continue à avancer dans le temps. Un cahier avec dessus la photo de son idole du moment, Georges Clooney. Elle voit des mots griffonnés sur des coins de cahier. "Tu crois qu'il m'aime ?" "Ben oui, t'as vu comme il te regarde ?" "Tu crois vraim...". Le reste du mot n'est pas écrit. Simplement un trait.
"Qui m'avait interrompue ?". Elle ne se souvient plus. Pourtant, à cet instant, ce détail lui semble crucial. "La maîtresse ?"
Au fur et à mesure, son écriture s'affine, elle perd ses rondeurs enfantines. Elle adopte ensuite l'abrégé, pour aller plus vite lors de la prise de notes.
Elle compare ses cahiers avec ce qu'elle vient de terminer d'écrire. Comment pourrait-on établir la moindre similitude entre ces deux écritures ? Entre ce tracé tremblant et ce geste assuré ? Entre le crayon appuyé trop fort et le stylo qui vole littéralement sur le papier ?
Elle range ses vieux souvenirs dans leur carton.
Elle jette un dernier regard sur la ville. Même la nuit, elle semble vivre.
Elle ouvre la fenêtre et inspire une bouffée d'air frais. Le vent secoue sa chevelure tandis qu'elle offre son visage aux ténèbres. Ensuite, elle referme sa fenêtre et éteinte sa lampe de chevet.
Noir complet.